Tendez l'oreille...

dimanche 29 janvier 2012

868 pages de bonheur


Il y a quelques mois je vous parlais d'un très bon roman de Jane Austen, Northanger Abbey, une parodie très réussie du roman gothique qui citait entre autre comme référence Les mystères d'Udolphe, d'Ann Radcliffe.
L'enthousiasme de l'héroïne du roman pour ce texte m'avait particulièrement marqué et j'avais rajouté ce titre à ma loooongue liste de lecture, et puisque le père Noël a eu la gentillesse de le glisser sous le sapin, j'ai pu m'y plonger en ce début d'année.

Alors certes, Les mystères d'Udolphe c'est quand même 868 pages dans un français un peu passé de mode (Ann Radcliff a publié ce texte en 1794), sans compter la préface, les notices et autres bibliographies sélectives, mais très honnêtement, j'ai vraiment pris mon pied, et j'étais heureuse de voir durer ce fantastique récit qui m'a captivée du début à la fin!

Si vous avez aimé Jane Eyre ou encore Orgueil et préjugés, il y a de très fortes chances que vous tombiez sous le charme de ce roman mystérieux et très romantique.
Lorsque Ann Radcliffe publie ce roman, il devient le top du roman frisson, le roman gothique dans la plus pure tradition: une jeune fille pure et douce, de bonne famille, va connaître bien des malheurs après le décès de ses parents. Placée sous la tutelle de sa tante vaniteuse, elle va être arrachée à son amour le chevalier Valancourt, et enfermée dans un château sombre et inquiétant du nouveau mari de sa tante, au milieu de montagnes italiennes.
Dans cette forteresse se trament des évènements très sombres, et le surnaturel n'est jamais loin puisque des esprits semblent hanter les lieux...

De l'action, du mystère, des secrets de famille, des rebondissements, un suspense constant, des passions enflammées, du romantisme, des frissons (même si ce qui pouvait sembler très effrayant à l'époque ne le semble plus tellement maintenant), c'est un vrai feuilleton comme on a du mal à en faire aujourd'hui, et en plus c'est écrit en très bon français pour une fois! On s'attache vite à notre héroïne la jeune Emilie, et on ne peut pas se résoudre à l'abandonner dans ses malheurs avant de l'en voir sortie!

Certes, tout ça peut paraître un peu manichéen, les gentils sont toujours gentils au fond, et les méchants sont toujours vraiment méchants, la bonne morale n'est jamais loin, mais il ne faut pas oublier que ces mots ont été écrits au 18e siècle ou c'était alors l'usage.

Ann Radcliffe a écrit là un chef-d'oeuvre, qui en plus de nous offrir une formidable aventure nous décrit de magnifiques paysages de notre bonne vieille France. Bref...n'ayez pas peur de vous plonger dans ce gros pavé, ça vaut vraiment le coup!

ps: Et c'est en Folio pour une dizaine d'euros, donc un rapport qualité/prix imbattable!


Pour ceux que ça intéresse vraiment, voici un petit extrait pour vous donner un aperçu de ce qui attend Emilie dans le château d'Udolphe:

Quand la nuit revint, elle se rappela la musique mystérieuse qu’elle avait déjà entendue, et dont elle espérait tirer encore quelque adoucissement à ses peines. Elle se mit plusieurs fois à la fenêtre pour saisir dans l’espace les sons qu’elle entendait. A un certain moment, il lui sembla distinguer une voix, mais tout demeura calme et elle pensa que son imagination l’avait trompée.

Le temps s’écoula ainsi jusqu’à minuit. À cette heure, tous les bruits, plus ou moins éloignés, qui murmuraient dans l’enceint du château, s’assoupirent à la fois, et le sommeil étendit partout son empire. Émilie, qui s’était appuyée à sa croisée, fut bientôt tirée de sa rêverie par des sons d’une nature fort étrange. Ce n’était pas une mélodie cette fois, c’étaient comme les soupirs étouffés d’une créature au désespoir. Frappée de terreur, elle chercha à découvrir d’où venaient ces lamentations, il y avait au-dessous d’elle un grand nombre de chambres fermées depuis longtemps ; supposant que le bruit pouvait partir de là, elle se pencha en dehors pour y découvrir quelques lumières ; ces chambres autant qu’elle put en juger, étaient plongées dans les ténèbres ; mais à peu de distance, sur le rempart, elle crut apercevoir un objet en mouvement.

La faible clarté que jetaient les étoiles ne lui permit pas de distinguer nettement ce que c’était. Ce pouvait être la sentinelle de garde. Elle mit sa lumière à l’écart, afin d’observer à loisir ce qui se passait au dehors, sans être elle-même remarquée.

Le même objet reparut, se glissa lentement tout le long du rempart, et se trouva bientôt près de sa fenêtre. Elle reconnut une forme humaine, mais le pas mystérieux et léger dont cette figure s’avançait, lui fit voir que ce n’était pas une sentinelle. On approchait peu à peu. Emilie hésita, une vive curiosité l’engageait à demeurer là, une crainte qu’elle ne pouvait définir lui conseillait de se retirer.
Pendant qu’elle flottait irrésolue, la figure arriva en face d’elle, et se posa là immobile et droite. Tout était calme autour d’elle. Ce silence profond et cette forme fantastique qui se détachait de l’obscurité, produisirent un tel effet sur elle, qu’elle était prête à quitter sa fenêtre, lorsqu’elle vit la figure se glisser le long du parapet, et s’évanouir enfin dans les ténèbres de la nuit.

Émilie rêva quelque temps, les yeux fixés sur le point où l’image avait disparu, puis elle entra dans sa chambre, toute préoccupée de ce singulier phénomène. Elle ne doutait guère qu’elle n’eût été témoin d’une apparition surnaturelle.

dimanche 8 janvier 2012

Nuit et brouillard


Je m'étais dit qu'il fallait quand même que je lise un témoignage de la seconde guerre mondiale, chose qu'on ne m'a pas demandé durant ma scolarité quand on a abordé ce chapitre de l'Histoire. J'ai donc choisi Si c'est un homme de Primo Levi. Pourquoi lui et pas plutôt le journal d'Anne Frank? Je ne sais pas vraiment, bien que de toute manière ils ne soient pas vraiment comparables puisqu'ils n'abordent pas tout à fait le même aspect de l'extermination des juifs d'Europe. Sans doute parce que je le voyais souvent passer entre mes mains pendant mes 2 années d'apprentissage en librairie, mon inconscient à choisi celui-ci.

Si c'est un homme est le récit autobiographique d'un déporté italien dans le camp de concentration d'Auschwitz où il a vécu presque un an, déporté en février 1944 et libéré en janvier 1945. Il y décrit le quotidien dans le camps, la vérité terrible et nue. Bien sûr, ce n'est pas un livre agréable à lire au premier sens du terme, c'est un récit glaçant et perturbant puisqu'on sait qu'il est dénué de toute invention de la part de son auteur. Mais on apprécie sa lecture car les faits sont délivrés de manière simple, sans fioriture ni larmoiements, on contemple le calvaire de ces hommes sans rideau pour nous protéger de l'horrible réalité des choses.

La digestion du texte est difficile, car même si ces évènements nous semblent lointains et souvent ressassés, un témoignage aussi personnel et franc ne peut pas laisser indifférent. Lorsqu'on ferme le livre, on reste silencieux et pensif.

C'est un livre qu'il est important de lire je pense, car il ne présente pas de difficulté en terme de langage où d'informations (pas de données chiffrées, pas de géographie, pas d'explications politiques compliquées) et en même temps il dit tout, et permet de mieux comprendre ce qui a pu se passer. L'édition Pocket est enrichie des réponses aux questions les plus fréquemment posées à l'auteur et qui permettent d'aller plus loin une fois qu'on a fini le témoignage en lui-même.

Bref, un livre dur mais indispensable si on s'intéresse un tant soit peu à la question et si on souhaite se souvenir.

jeudi 5 janvier 2012

tueur né


J'ai du mal à savoir où commencer pour vous parler de Kevin. Ce roman est de ceux qui vous mettent une grosse baffe et demandent un un certain délai entre l'ingestion et la digestion, et étant donné que je l'ai terminé il y a quelques heures à peine, je ne sais pas si ma vision du livre est la plus juste mais en tout cas elle est encore toute fraîche.
Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Shriver (J'ai lu, 8,40€) décrit la trajectoire étrange d'un garçon glaçant et hypnotisant, l'impact de son existence sur celle de ses proches et de ceux qui ont pu croiser son chemin, et en particulier de ses parents. L'histoire est racontée par sa mère, Eva, au travers des lettres qu'elle écrit à son mari après ce fameux "JEUDI", où son fils Kevin a rejoint le panthéon des ados américains qui tuent froidement leurs camarades de classe.

Après ce genre de drame, la question qui revient sans arrêt est "pourquoi?", qu'est-ce qui peut amener un ado à priori sans histoires à tuer de sang froid ses camarades?
L'accès libre aux armes à feu pour tous est bien sûr pointé du doigt, mais la question du "qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête" devient aussi obsédante. Et souvent, quand on touche à la psychologie, on en vient à reprocher quelque chose à la mère, qui a forcément foiré un truc pour que son gosse en vienne à faire un truc aussi monstrueux.

Lorsqu'une femme accouche, on tient pour acquis qu'à l'instant même où on lui pose son nourrisson sur le sein, un amour inébranlable la lie instantanément et éternellement à son enfant. Et si ce n'était pas toujours le cas? Ce roman parle aussi de ce sujet encore très tabou de l'amour maternel qui n'est pas automatique et dont la possible absence hante sûrement beaucoup de femmes avant leur accouchement.
Malheureusement pour Eva, le jour où Kevin entre dans sa vie n'est que le début d'une longue et lente descente aux enfers. L'enfant paraît nourrir dès son premier souffle une rage contre elle et une haine profonde de la vie, qu'il camouflera aux yeux de son père, amenant la division dans le couple autrefois heureux d'Eva et Franklin.

Un enfant peut-il avoir le mal dans ses gênes? Ou est-ce que le fait qu'Eva n'ai pas su aimer son fils l'a déformé à vie? Et toujours la lancinante question du "pourquoi?"...

En bref, c'est un roman magistral, très bien écrit et passionnant, qui pose des questions dérangeantes et nous pousse à plonger notre regard dans celui de Kevin pour tenter d'y trouver des réponses. Eva nous accueille dans ses pensées les plus personnelles et ses souvenirs les plus inavouables, et on assiste, sidérés, à l'explosion de vies en plein vol.
Puissant et dévastateur.

Pour ceux que ça intéresse, un film a été tiré de ce livre, que je n'ai pas vu mais qui à l'air très réussi et servi par d'excellents acteurs.

lundi 2 janvier 2012

Histoire de bien commencer 2012...


Tout d'abord comme il se doit je vous souhaite une très belle année 2012, remplie de surprises, de joies et bien sûr...de bonnes lectures et de non moins bons moments dans les salles obscures!

J'espère également que vous avez passé un bon Noël, pour ma part j'ai été gâtée par mon cher et tendre qui m'a offert l'intégralité de ma wishlist de livres qui traînait sur mon bureau depuis des lustres sans que j'ai les sous pour me les offrir...Et oui je sais, quelle chanceuse :-)

J'ai donc eu le bonheur de lire Avant d'aller dormir de S.J. Watson (éditions Sonatines, 21€)pendant mon séjour en famille en cette fin d'année, et j'ai été complètement happée par cette histoire de fous!

L'intrigue est simple mais monstrueusement efficace: Christine a un gros problème de mémoire depuis qu'elle a été victime d'un grave accident. Chaque matin lorsqu'elle ouvre les yeux, les souvenirs de ces 20 dernières années se sont effacés de sa mémoire. Elle découvre alors avec effarement dans le miroir un visage qui lui est totalement étranger, ainsi qu'un homme dans son lit, qui s'avère être son mari dont elle n'a pas le moindre souvenir.
Afin d'essayer de guérir, Christine va se mettre à écrire un journal intime qu'il lui faudra relire chaque jour pour reprendre pied dans la réalité.
Après quelques jours de compte-rendu quotidien, notre amnésique va alors remarquer d'étranges incohérences dans les paroles de ses proches et va alors tout tenter pour découvrir la vérité sur son passé...

Alors, avides de connaître le fin mot de l'histoire? C'était mon cas lorsque je me suis jetée sur ce roman alléchant, et je n'ai pas été déçue! L'auteur, dont c'est pourtant le premier roman, tire les ficelles du suspens à la perfection, faisant monter la pression quand il faut et semant les indices exactement là où il faut! Résultat, j'ai dévoré les 400 pages en 2 jours en profitant de chaque moment de libre pour grapiller quelques pages. Seule la fin me laisse un tout petit peu sur ma faim, j'en aurais bien repris une louche!

En bref, un parfait thriller pour bien commencer 2012!